BLESSÉ ET SEUL DANS LA JUNGLE
J'ai les 2 pieds meurtris. Mon talon droit a une immense bosse et il saigne un peu. Mon pied gauche saigne à 3 endroits et il a 4 petites bosses. Impossible de voir si les plaies sont profondes à cause du sang et qu'on a rien pour les nettoyer. Je marche avec une seule sandale dans mon pied droit. Le gauche fait trop mal, alors je marche pied nu. Le sol est glissant parce qu'il est plein de bouette. Nous sommes dans un sentier dans la jungle. S'il y a bien un endroit où tu ne veux pas être vulnérable, c'est dans la jungle. Il y a une flaque d'eau brune. C'est ici que ça se passe. Lisa m'aide à tenir mon équilibre pendant que je me "nettoie" les pieds. Bonne nouvelle. Les plaies sont superficielles. Un peu de purel pour désinfecter les plaies, puis je remets mes bas par-dessus et mes bottes de marche. Ça va mal. Ça pourrais-tu aller plus mal?
OUI ! Deux hommes s'approchent de nous. L'un d'eux a une machette et l'autre une carabine. TABAR... Heureusement, on a rien de valeur sur nous. Sauf le matériel photo de Lisa. L'homme à la machette nous dit : "je viens pour vous." Peux-tu être plus clair ?C'est bon signe ou pas ? Comment on s'est retrouvé dans ce pétrin ?
Je vous explique
On était à Sucre avec Arnaud et Charlène. On est parti tous ensemble pour se rendre à Buena Vista afin de visiter le parc National Amboro. Un bus de nuit de mauvaise qualité est censé nous amener jusqu'à Santa Cruz près du parc National. Pour citer Arnaud : "Ça me rassure, c'est tous des tas de merde" en parlant de l'état de tous les autobus. Ouin, très rassurant...🙄
Après une nuit à se faire brasser le péteux, respirer la poussière, sentir le swing des locaux et à être sur le bord de tomber dans les escaliers à chaque virage, nous étions frais et dispos pour entamer la suite vers Buena Vista. Pas étonnant qu'on était les 4 seuls gringos de l'autobus.
La suite n'est pas plus simple. Aucun autobus ni aucune information pour se rendre à Buena Vista. À force de chercher et d'interroger les locaux, on trouve un taxi-collectif pour s'y rendre. Une fois sur place, on trouve une agence qui offre un tour dans la jungle. On hésite à la choisir. Après avoir lu les commentaires horribles sur Trip advisor, on a bien fait d'hésiter. S'engager en pleine jungle avec des voleurs, c'est un peu jouer à la roulette russe, non ?
L'office de tourisme nous a conseillé de faire affaire avec Ramòn un guide local. Sans vraiment d'autres choix, on a choisi Ramòn. Il nous fait de nombreuses promesses. Il n'y aura pas de chevaux. Une chance parce que Lisa pourrait possiblement mourir de son allergie aux chevaux. À la place, un 4x4 nous apportera à destination. Un lunch va pouvoir être acheter sur place. Il nous guidera dans la jungle. Il ne parle qu'espagnol, mais bon. Ça va aller. On donne un dépôt et on rentre soulagé à l'hôtel du fait que nos aventures sont terminées. Une bonne nuit de repos s'impose avant de partir dans la jungle le lendemain.
Au levé, il y a de gros nuages et il fait frais. Le véhicule est un toyota corolla hatchback du début des années 90. Le volant était originalement positionné à droite, mais a été changé dans le airbag à gauche. Un trou à droite témoigne de son ancien passage. Il y a aussi l'odomètre qui a été remonté à 271193 km. En le remontant, il a clairement brisé à ce kilométrage. Les 3 autres on la chance d'être assis ensemble sur le siège arrière. Moi, je suis assis sur le siège passager avant avec Ramòn. C'est un 2 pour 1... On peut dire que ça part A1. On est rassuré... 🤔
L'auto s'arrête au bout de 45 minutes. Ramòn nous explique qu'il n'y aura pas de 4x4. Il se met à mouillé à boire debout. Nous allons devoir prendre deux motos-taxis qui ne peuvent que transporter une personne à la fois. Il nous "rassure" en nous disant que c'est seulement 12km ou 20 minutes environ. Charlène a trop les nerfs. Elle est vraiment fâchée et avec raison. Arnaud s'informe au sujet de la pluie. Il nous "rassure" encore en disant que dans le parc il ne doit pas pleuvoir et que ce n'est qu'une averse temporaire.
Après avoir traversé une petite rivière à pied, j'embarque sur la première moto et je pars. Charlène est encore en train de traverser la rivière quand elle me voit partir. Pour reprendre ses mots, elle hallucine. Elle était encore hésitante à y aller. Plus le choix. Je suis déjà loin. Lisa prend la 2e moto. 2 minutes plus tard on se rejoint pour traverser à pied une vraie rivière. On a de l'eau jusqu'aux genoux. On a de la chance, parfois c'est jusqu'à la taille. Pour reprendre la moto, comme j'ai les pieds mouillés j'y vais nu pieds les bottes dans mon cou.
Le terrain est accidenté. Il y a beaucoup de vase. Il pleut et ça nous empêche de voir. Mon conducteur a pourtant l'air à l'aise. Je lui fais confiance. D'ailleurs je n'ai pas le choix. Soudain, sans aucune raison, il échappe sa moto. J'aurais pu croire que ce se soit passé ailleurs, mais ici il n'y a rien pour que ça arrive. La scène se passe au ralentie. La roue tourne à 90 degrés. Le derrière se soulève. Le conducteur place ses pieds au sol, mais il est déjà débarqué de la moto. Moi, je suis projeté de tout mon poids vers le devant et je tombe à droite de la moto. Mon sac à dos m'empêche de pouvoir faire une roulade alors j'heurte lourdement le sol. Heureusement, le sol est mou. Je ressens une vive douleur à mon talon droit. Le conducteur me tend la main et me demande si ça va. Je cherche mes mots en espagnol pour dire ça fait mal en cr*ss à mon talon. Le fait d'y penser m'empêche de dire quoi que ce soit. Mon pied gauche se réveille et il fait mal à son tour. Je prends sa main et je me lève péniblement. J'entends la moto de Lisa s'approcher. Au moins, il ne lui est rien arrivé. Je vais chercher mes bottes pendant que le conducteur relève sa moto. Les 2 conducteurs se parlent. Je leur demande si c'est encore loin. Ils répondent 200 mètres. 200 mètres Boliviens peut vouloir dire bien des choses. De la marde. Je ne remets pas les pieds sur sa moto. On va marcher... Les 2 motos repartent. On est seuls et je suis blessé dans la jungle
L'homme à la machette ne dit plus rien après je viens pour vous. L'homme à la carabine continu son chemin. Ouf, on est probablement pas dans une si mauvaise posture. Il nous demande de le suivre. D'accord. On a pas vraiment le choix.
Il s'agissait de notre guide. José. Il s'étonne de nous voir là et demande s'il faisait beau à Buena Vista. Il va faire de son mieux, mais pour voir des animaux quand il pleut, c'est difficile. J'ai marché comme si de rien n'était pour éviter d'inquiéter Charlène qui est d'un naturel nerveuse. J'ai pensé au retour pendant nos 4 heures de marche. En plus, impossible de pouvoir manger. On avait des bananes et des mandarines avec nous. Ça a servi de dîner. La jungle c'est beau, mais on a pas vu beaucoup d'animaux. Des grosses dindes volantes et 2 singes hurleurs roux. C'est quand même pas si mal.
Au retour, on a laissé Arnaud et Charlène prendre les 2 premières motos question de pouvoir en marcher le plus possible. Lisa les a rejoint en premier. Elle s'est empressée de leur parler de l'accident. Ça en prend pas plus pour les convaincre de ne pas payer la somme totale. Ramòn qui se disait notre guide n'a fait que vendre du rêve au lieu de nous dire à quoi nous attendre. La seule chose qui a été comme il a dit, c'est qu'il n'y a pas eu de chevaux. Il n'a jamais eu à prendre de moto ou quoi que ce soit. Le payer pour l'organisation de la journée des plus mal organisée...😡
Il a offert de lui même une réduction d'un prix ridicule. Le simple fait de lui montrer mes pieds était un bon argument pour plus. Il ne voulait pas. Il a donc offert de se rendre au poste de police. Sans problème. On pense qu'il bluffe, mais non. On se rend donc par nous mêmes dans encore plus d'emmerde. Nous n'avons aucune idée de l'expérience qui nous attend. La police bolivienne n'a pas la meilleure réputation. Dans un petit village de moins de 15 000 habitants ça doit être encore pire pour nous. Le gars à l'accueil réveille donc le policier en charge. Il est clairement confus et tente de finir de s'habiller. Il demande de l'attendre un peu. Je fais signe à Ramòn de venir discuter avec nous dehors. Il convient pour une plus grande réduction du prix. Je pense qu'il n'avait pas, comme nous, envie que nous de se foutre dans ce bordel...
Au final, on a bien rigolé de la journée vécue autour d'une bonne bière entre amis. Il s'agit peut-être du dernier souper qu'on passe ensemble dans le voyage.
Quelle aventure !